Etude danoise sur le GSM : largement biaisée, donc dangereuse dans ses conclusions Imprimer

(21/10/11) Une étude mal conçue qui induit les gens en erreur, sème la confusion et procure un faux sentiment de sécurité aux utilisateurs. Nous pensons en tout premier lieu aux jeunes.

Selon nous, du fait de ses graves défauts de conception, cette étude n'aurait jamais du passer la rampe de la publication d'une revue scientifique.


"Une nouvelle étude danoise dément la nocivité du GSM"  (Cliquez sur ce titre en 16e position du JT de la RTBF du 21 oct. 2011)

* * *

D'abord, ce n'est pas une nouvelle étude mais une extension d'une étude publiée par cette équipe il y a deux ans. Une étude fort critiquée à l'époque et qui n'avait pas été retenue par l'OMS en mai 2011 lorsqu'elle a choisi de classer les radiations électromagnétiques des téléphones portables comme « possible carcinogène ».

Ensuite, c'est une étude de cohorte et non pas une étude de cas. Peu importe la grande taille de l'échantillon, ce type d'approche est largement reconnu par les scientifiques comme peu approprié pour l'étude de maladies relativement rares comme des tumeurs du cerveau.

Mais il y a plus grave : l'étude en elle-même est mal conçue

La meilleure façon de ne pas détecter un phénomène entre un groupe exposé et un groupe non exposé, c'est de s'arranger pour que le groupe exposé ne le soit pas trop, et que le groupe non exposé soit quand même exposé. Bref d'opérer sur les deux groupes un effet de dilution.


(a) Dilution du groupe exposé:

  • Ont été exclus les plus gros utilisateurs, à savoir 300.000 utilisateurs business.
  • Un utilisateur (exposé) est défini comme toute personne faisant au moins un appel fois par semaine pendant six mois

 

(b) Dilution du groupe non exposé : ont été classifiés comme non exposés

  • tous les utilisateurs qui ont commencé à utiliser un GSM après 1995 (l'étude porte sur les années 1990-2007) ;
  • tous les utilisateurs sans abonnement
  • tous les utilisateurs exposés à la téléphonie mobile domestique sans fil de type DECT (qui représente de l'ordre de 30% de l'exposition aux radiations de téléphonie mobile) ;

Les chercheurs eux-mêmes ont reconnu certaines (mas pas toutes) de ces limitations au sein de l'étude. Toutefois, le communiqué de presse et a fortiori les titres de journaux envoient un message dans le sens contraire.

Enfin il y a l'évident problème des conflits d'intérêts

Pour rappel, il y a cinq milliards d'utilisateurs (certains avec 2 voire 3 appareils) et il se vend dans un petit pays comme la Belgique 4 à cinq millions de GSM ... par an.

Comme révélé par la journaliste Mona Nilson, l'auteur de l'éditorial de l'étude, le prof. Ahlbom du Karolinska Institut a été écarté le 22 mai dernier du groupe d'experts en épidémiologie de l'Agence Internationale de Recherche sur le Cancer (OMS). Il a en effet co-fondé avec son frère une société de lobbying basée à Bruxelles qui assiste l'industrie des télécoms en matière de régulation et autres relations publiques. Le prof Alhbom n'avait pas mentionné son implication dans cette société, à la suite de quoi, il a été écarté de l'OMS.

http://www.teslabel.be/politique/176-conflit-dinterets-a-lorganisation-mondiale-de-la-sante

De plus, le financement de l'étude est lié à des opérateurs et à des scientifiques de l'Institut International d'Epidémiologie, un groupe qui a aidé l'industrie dans le cadre de procès relatifs à des cancers liés au téléphone portable.

En conclusion

Une étude à écarter et surtout à ne pas renvoyer dos à dos avec les études (de qualité) existantes. Sans se laisser berner par le mirage des superlatifs utilisés par certains de type « plus grande étude jamais réalisée ». Peu importe la taille de l'échantillon, si la méthode est mauvaise et embrouillée -- ce qui est les cas -- les résultats méritent le classement vertical.

Entretenir la confusion est une stratégie éculée de lobbying industriel. Et en fin de compte c'est une chose relativement aisée dans un domaine aussi complexe et évolutif que celui de la pollution électromagnétique et de la santé. C'est d'autant plus lamentable. Une mention spéciale pour la RTBF qui, cette fois, ne s'en est pas laissé compter.

 


Annexes (en anglais)

Use of mobile phones and risk of brain tumours: update of Danish cohort study : lien vers l'étude de Patrica Frei et al.,BMJ 2011;343:doi:10.1136/bmj.d6387

Mobile phone radiation could be detected by the human brain : critique de l'étude par Denis L Henshaw, Prof. émérite sur les Effets des Radiations sur l'Humain, Université de Bristol, R.U.

Updated study contains poor science and should be disregarded : critique de l'étude par l'ingénieur Alasdair M. Philips et le scientifique Graham Lamburn, de l'ONG Powerwatch (R.U.)

Questions regarding selection, exposure and tumor incidence: critique de l'étude par le neurochirurgien et professeur associé Vini G. Khurana


Opinion: Scientific Peer Review in Crisis : The case of the Danish Cohort : critique du l'étude par Dariusz Leszczynski, esearch professor at the Radiation and Nuclear Safety Authority in Finland and a visiting professor at Swinburne University of Technology in Australia. - Feb 2013