Un débat très animé, organisé par notre regretté Pierre Debeffe à Aubange en 1993, est à l’origine de notre association. Jean-Marie Danze et Daniel Comblin, experts scientifiques en ligne haute tension faisaient face à ceux d'Electrabel. Concernés par des lignes à haute tension, Pierre Debeffe à Aubange et Jean Delcoigne à Frasnes-lez-Anvaing restèrent ensuite en contact. Ils créèrent deux ans plus tard l’association Teslabel, dont le nom rappelle l’unité de champ magnétique et la Belgique, mais diront certains, est aussi une allusion au distributeur historique d’électricité… et du champ magnétique associé. Visitez aussi notre page facebook facebook.com/TeslaBEL


5G Dans le futur jusqu'au cou PDF Imprimer Envoyer
(6/6/20) A l'occasion de la cybermanifestation, nous vous présentons le dossier 5G que Gérald Hanotiaux, cofondateur de l'association bruxelloise Dé-mobilisation et ancien administrateur de Teslabel, a concocté pour le prochain magazine "Ensemble", la revue trimestrielle du Collectif Solidarité contre l'Exclusion. Vous pouvez le télécharger dans sa belle présentation pdf, munie de plusieurs dessins humoristiques et percutants : www.asbl-csce.be/journal/Ensemble102.pdf Le dossier commence page 26. Le voici aussi ci-dessous en simple texte. Il se termine par un appel à témoignages. Si vous souffrez de la pollution électromagnétique, ou l'un de vos proches en souffre, merci de contacter Gérald, à l'adresse mail renseignée, vu le télétravail qui se prolonge.
 

Dans le futur jusqu’au cou

 

Depuis des années, la prévision de la cinquième génération de téléphonie mobile (5G) inquiète partout. En Belgique, son lancement officiel s’est déroulé, le plus naturellement du monde, en pleine crise sanitaire et confinement de la population.

Moment inédit dans notre existence, durant le printemps 2020 nous avons vécu une période de confinement forcé, pour cause de propagation d’un virus mortel. Sous nos regards ébahis se sont matérialisées des images, jusque-là cantonnées aux bandes dessinées d’anticipation. Les ruées irrationnelles vers les supermarchés et les stockages de denrées périssables, accompagnées du papier toilette d’usage après leur digestion. Les sorties dans la rue entourés de voisins subitement équipés de masques, tels des chirurgiens égarés. La sympathique madame, croisée régulièrement, qui cette fois s’écarte avec dégoût et ne répond pas au traditionnel bonjour. Des voitures occupées par des personnes, seules dans l’habitacle, le visage cependant barré d’un masque médical. Ou encore l’expérience de la clandestinité de nos actes, lors d’un simple repas entre amis…

Car, pire encore : nous avons pu expérimenter des scènes, jusque là cantonnées aux fictions d’anticipation totalitaire. Des amendes pour s’être assis sur un banc public. La police menaçante en rue, pour une discussion entre voisins. Des drones au-dessus des têtes dans les parcs. Un autre, détectant une chaleur humaine devenue suspecte, dans une caravane à la côte belge. Une dame au bord de la route, dont la raison du déplacement en voiture est vérifiée par une brigade spéciale. L’annonce du possible traçage des déplacements des Belges, grâce aux mouchards GSM présents dans les poches ou les sacs. En rase campagne seuls avec les faisans, pas un bâtiment à l’horizon, subitement une voiture approche puis ralentit… Des policiers pas du tout locaux scrutent, dévisagent. Ils finissent par partir... Ouf ?

Les mesures et procédures liberticides seront-elles toutes rangées au placard après cette crise sanitaire ? Leurs tests grandeur nature représenteront-ils plutôt des acquis par expérimentation, précieux pour les autorités de ce pays ? Quelles traces sociales laissera cette période, sur le long terme, dans notre quotidien ? L’avenir nous le dira… Une certitude cependant : si la situation était à mille lieues d’être joyeuse auparavant, une vigilance extrême et des mobilisations massives s’imposent pour se diriger vers une société humainement viable.

Premier avril toute l’année

Depuis quelques années, avec le café et la radio du matin, il nous arrive régulièrement de n’en pas croire nos oreilles... En émergeant d’une nuit vaguement réparatrice, nous formulons alors cette interrogation : « Quelle date, diable, sommes-nous donc ? » L’énormité des informations, formulées telles des évidences, pourraient en effet laisser croire à un canular. Quelques exemples parmi d’autres : la mise en service de véhicules autonomes, lançant sur la route des voitures ou des bus sans humains aux commandes ; une justice prédictive par algorithmes, pré-mâchant le travail des professions du pouvoir judiciaire ; des opérations chirurgicales à distance, sans chirurgien aux côtés du corps à soigner… Assistons-nous à la traditionnelle blague journalistique du premier avril ? Non, c’est la vraie vie ! Ces « innovations » technologiques sont, au moment de leur découverte par le grand public, déjà en phase de pré-application et présentées comme des acquis, sans aucun débat sur les changements radicaux entraînés pour nos sociétés. La propagande industrielle bat son plein, c’est comme ça, on y va.

En ce printemps 2020, détail piquant, l’annonce de la mise en service de la 5G nous arrive… le premier avril ! Durant une période où tout est suspendu, où l’on demande à toutes et tous une extrême patience, subitement un autre sujet débarque dans les bulletins d’informations jusque-là monothématiques : « Proximus lance ce mercredi la 5G dans plus de 30 communes ». (1) En plein confinement, ils l’ont fait. Calés à domicile sous peine d’amendes astronomiques, il va être difficile aux opposants de se mobiliser pour manifester leur mécontentement. Certains bourgmestres sont furieux. Julie Chantry (Ecolo), de Louvain-La-Neuve, regrette qu’il n’y ait eu aucune « concertation, pas d’information » et que « les bourgmestres n’ont pu exposer leur avis sur la question ». Françoise Pigeolet (MR), de Wavre, est également « scandalisée d’avoir été mise devant le fait accompli. » (2)

En matière de nouvelles technologies, cette politique du fait accompli est loin d’être une première, les bourgmestres l’expérimentent aujourd’hui : bienvenue en « démocratie technophile ».

Le monde futuriste de la 5G

Quel est donc ce futur promis par la 5G ? Les implications et dommages de ce développement industriel annoncé sont innombrables, et viseront à transformer radicalement nos cadres de vie et le fonctionnement de nos sociétés. Nous sommes réellement face à un (non) choix de radicale rupture sociétale.

Pour justifier cette nouvelle imposition, l’argument principal entendu est en général l’accroissement possible des vitesses de connexion et de téléchargement des vidéos. Outre que l’on ne nous démontre même pas une envie des utilisateurs à ce sujet, cet exemple représente toutefois un micro-détail dans les volontés industrielles mobilisées par cette technologie. Aujourd’hui en phase « expérimentale », le développement de la 5G, à terme, implique le placement de dizaines de milliers de satellites autour de notre petite planète meurtrie. « Ce déploiement massif de satellites de télécommunications, en créant un brouillard électromagnétique permanent, s’apparente à une technique de géo-ingénierie. Il polluera l’ionosphère par des millions de signaux pulsés et est susceptible de perturber l’environnement électromagnétique naturel de la Terre, dans lequel les êtres vivants ont évolué depuis des millions d’années et dont ils dépendent. » (3) Voilà pour le lointain.

En ce qui concerne la proximité avec les êtres vivants de cette planète, la 5G nécessitera de placer des émetteurs partout dans notre cadre de vie. « Cette nouvelle réalité entraînera un changement environnemental sans précédent à l'échelle planétaire. Pour la mise en œuvre de l'Internet des objets (IdO), l'industrie prévoit l'installation de millions d'antennes 5G, une tous les 50 à 150 mètres en milieu urbain. (...) Les prévisions font état de 20 milliards d'objets connectés (émetteurs) en 2020, 30 milliards en 2022 et bien plus par la suite : jusqu'à un million d'objets au kilomètre carré pourraient communiquer. » (4)

Les enjeux sont avant tout commerciaux, bien entendu, avec la fabrication et la vente de nombreuses nouvelles machines, à commencer par des smartphones supplémentaires, compatibles avec la 5G. Des myriades de scénarios délirants trottinent déjà dans les esprits des industriels, impliquant les connexions rémunératrices. Laissons-nous aller à une - très légère - anticipation. La propagande de ces entreprises tente déjà de nous convaincre de l’intérêt d’acquérir un frigo connecté, hum. Alors peut-être le « smart-frigo » enverra-t-il, tout seul comme un grand, un message au supermarché, qui à son tour enverra la barquette de margarine manquante, par véhicule autonome au sein de la « Smart-City ». Au réveil, ô miracle technologique, le produit est là, tout frais posé sur la table. Plus besoin de sortir de chez soi, plus besoin de se battre pour du papier toilette, même confinés chez nous tout nous arrivera, comme par magie. Le meilleur des mondes des ondes est à nos portes.

Outre ce marché gigantesque, où tous les objets de la vie courante seront connectés entre eux, d’innombrables émetteurs seront nécessaires pour la mise en service de véhicules sans chauffeur, par exemple. Ou encore pour connecter les compteurs d’énergie « communicants », un appareillage pour lequel la population a déjà largement fait savoir qu’elle n’en veut pas. Le travail est clairement dans la ligne de mire, avec des possibilités infinies d’« ubérisation » de l’économie, accompagnant une précarisation de pans entiers du monde du travail. Une robotisation sera également au programme, robotisation des postes de travail, mais aussi des humains eux-mêmes, au travail. Dans les entreprises, sur les chaînes de montage, les travailleurs pourront par exemple être équipés de bracelets connectés. Ceux-ci vibreront lorsque le corps n’effectue pas les gestes précis, enregistrés pour le poste concerné. La multinationale Amazon a déposé le brevet d’un tel ustensile, il y a deux ans déjà. (5) Bien entendu, les libertés individuelles seront encore plus impactées qu’aujourd’hui, par un recueil des données personnelles - stockées et transmises par chaque objet connecté - mais aussi par de nouvelles capacités de surveillance et de répression, accompagnées du contrôle des foules par la reconnaissance faciale. Voilà, entre autres choses, ce que représente la 5G.

Si personne n’arrête ces marchands, ce qui aujourd’hui semble être le cas dans le chef des responsables politiques : avec la 5G, la 6G - dont on nous parle déjà -, la 7G, la 8G, etc., les chambres, les salons, les maisons entières, et tous les espaces publics seront alors transformés en appareil électro-ménagers géants, dans lesquels nous évoluerons plus encore qu’aujourd’hui, au sein d’une atmosphère traversée de rayonnements électromagnétiques de hautes fréquences. Problème sur le chemin des industriels : le corps humain n’est pas fait pour évoluer au sein d’un air chargé d’électricité. (6)

Ils poursuivent cependant leur route, la propagande se déploie (7), ils mènent un intense lobbying et gagnent du temps pour imposer les nouveautés. Mais aussi… Ils croisent les doigts pour que plus aucun grain de sable ne se glisse dans la machine. Car un « hic » il y a pour les industriels et les marchands : un jour, une parlementaire écologiste bruxelloise a fait son travail face à cette pollution environnementale d’un genre nouveau. Devant l’augmentation des personnes en souffrance au contact des rayonnements électromagnétiques, devant les appels de médecins et scientifiques, et en l’absence de toute norme sanitaire, elle a lancé le débat en Belgique, et fait voter une première norme, en 2007. (8)

Devant ce futur de la 5G et ses changements radicaux pour nos vies, nous devons nous poser désormais la question : dans quel monde voulons-nous vivre ? Si on lui demandait son avis, en toute connaissance de cause, la population voterait-elle pour la 5G ? Contre ?

Gérald Hanotiaux

(1) Belga, 31 mars 2020.

(2) Journal radio, La Première, RTBF, 1 avril 2020.

(3) « Le déploiement de la 5G : une expérimentation planétaire sans précédent qui menace l’humanité, la biodiversité et les équilibres planétaires. », Collectif « Stop 5G », Communiqué du 22 janvier 2020. Ce collectif rassemble des associations environnementales dont, par exemple, Inter-Environnement Bruxelles et le GRAPPE, le Groupe de réflexion et d’action pour une politique écologique. www.stop5G.be

(4) Une antenne tous les 150 mètres, par réseau (opérateur), en ondes millimétriques. « Avec le recours aux ondes millimétriques et la 5G, on plonge dans l’inconnu. A ce jour, très peu d’études ont examiné les effets biologiques de l’exposition à ce type de rayonnements. Le fait que les ondes millimétriques ne franchissent que très peu les obstacles solides autorise les partisans de leur utilisation à négliger leur capacité de nuisance. Conclure à leur innocuité est scientifiquement infondé et irresponsable. ». Communiqué « Il est urgent d’arrêter le déploiement de la 5G », Collectif « Stop 5G », 24 novembre 2019.

(5) Lire à ce sujet « Homme ou esclave ?’ Amazon dépose le brevet d'un bracelet électronique pour ses salariés », Nouvel Obs, 3 février 2018. www.nouvelobs.com

(6) Lire à ce sujet « Pour favoriser la 5G, les autorités ignorent la situation sanitaire ».

(7) Les auditeurs de La Première, radio de la RTBF, connaissent peut-être l’inénarrable capsule « Parlons business », sponsorisée par « la banque d’un monde qui change », BNP-Paribas Fortis. Dès le lendemain du passage en force de la 5G, TOUS LES JOURS cette capsule nous a martelé le cerveau au sujet du développement des Smart-Cities. TOUT est concerné : la gestion des déchets, la mobilité, la construction, etc. Est surtout concerné : le business, contenu dans le titre de la capsule. CQFD.

(8) Lire à ce sujet « Rayonnements électromagnétiques : aucune norme sanitaire n’existe ».

 

Détour par le « journal des bonnes nouvelles »

Le contenu de cet article semble bien noir... En effet. Cependant d’autres pays, proches de nous, démontrent que le rouleau compresseur industriel à l’œuvre en Belgique n’est pas - ni partout, ni toujours - tout puissant. Les alertes des scientifiques et la mobilisation des populations ne buttent pas nécessairement contre un mur d’indifférence.

En Suisse, un mouvement social important s’est mobilisé contre la mise en place de la 5G, démarrée il y a plus d’un an déjà. « La contestation populaire prend de l’ampleur dans la Confédération, second pays - après la Corée du Sud - à adopter cette technologie. » La Suisse « fait aujourd’hui les frais de sa hâte à installer cette nouvelle technologie sur l’ensemble de son territoire, sans avoir saisi l’enjeu citoyen derrière cette révolution numérique. Résultat, un an après avoir accordé les premières licences d’exploitation, le déploiement de la 5G se heurte à une opposition politique, à coups de moratoires pour bloquer les nouvelles installations d’antennes et une forte mobilisation citoyenne. Après des mois à faire la sourde oreille, Berne a fait un premier pas en direction des opposants, samedi 15 février. La Confédération a décidé de reporter indéfiniment ses directives en attendant de mieux mesurer les effets réels de la 5G. » Tout semblait pourtant aller pour le mieux, dans le meilleur des mondes, et « La Suisse devait être le premier pays occidental à développer cette technologie révolutionnaire, censée améliorer la rapidité et réduire les temps de latence pour mieux développer les objets connectés, de la voiture autonome au réfrigérateur intelligent. » (1)

Second pays alimentant les rares bonnes nouvelles, un Etat de l’Union européenne cette fois : la Slovénie. En d’autres matières déjà, ce pays devrait inspirer les tenants d’une politique écologique chez nous, car elle représente « le premier pays au monde à protéger constitutionnellement l'eau en tant que droit de l'homme et bien public, garantissant ainsi que ses sources d'eau potable, en tant que ressource stratégique la plus importante à l'avenir, restent un bien national. En reportant la discussion sur l'approbation de la gamme de fréquences pour la 5G jusqu'à ce que les effets de la technologie sur les personnes et l'environnement soient examinés, ils ont fait un autre pas vers la protection de la santé et la préservation de l'environnement. » Car oui : « Le gouvernement slovène a arrêté la mise en œuvre de la technologie 5G (…) sur proposition du ministre de l'administration publique, Rudi Medved. Il a déclaré aux médias slovènes que ‘les questions sur les effets néfastes de la technologie 5G sont légitimes’. » (2) Mazette, il n’est donc pas impossible d’agir dans le bon sens : plutôt que demander aux personnes malades et aux populations d’attendre des preuves scientifiques de la nocivité d’un produit, ils décident plutôt d’investiguer sur son innocuité AVANT sa mise en service sur le marché !

Ces deux nouvelles de pays voisins ont-elles poussé Proximus à accélérer le mouvement, pour imposer la 5G en plein confinement ? On sait en effet que techniquement rien n’est prêt, les bandes de fréquences n’ont en outre pas été attribuées aux opérateursIl serait cependant malvenu d’assister à un effet tache d’huile des décisions suisse et slovène, alors vite, allons-y ! (3)

Quoiqu’il en soit, au moment du coup de force de Proximus, l’actualité 5G de ces deux pays n’a connu aucun écho dans notre presse nationale. Etrange...

(1) « Téléphonie mobile : la Suisse freine le déploiement de la 5G », Marie Bourreau, Le Monde, 17 février 2020.

(2) Traduction de « Slovenia stops implementation of 5G technology », 5 mars 2020. www.ekapija.com

(3) Signalons que la politique du fait accompli de Proximus se couple avec une pseudo-consultation publique de l’Institut belge des services postaux et des télécommunications (IBPT) à propos de l’attribution provisoire de fréquences pour la 5G. Lire à ce sujet : « La ‘consultation publique’ de l’IBPT visant à lancer la 5G en Belgique est illégale ! », Inter-Environnement Bruxelles, 15 avril 2020. A lire sur www.ieb.be

 
 

Rayonnements électromagnétiques : aucune norme sanitaire n’existe


En Belgique, les normes en matière d’émissions électromagnétiques sont souvent qualifiées d’extrêmement « sévères ». Sévères pour qui, pour quoi ? En fonction de quels critères ? Il est temps aujourd’hui de considérer la réalité de ces normes, et le processus par lequel nous y sommes arrivés.


Dès qu’un débat émerge sur la nocivité des rayonnements électromagnétiques - parfois - ou sur les « nécessités » de lancements de nouveaux produits technologiques - plus souvent -, l’antienne industrielle et politique est la suivante : les normes en Belgique sont parmi les plus sévères au monde. Le socle de cet argument repose sur le seuil de 41,2 volts par mètre (v/m), admis comme « acceptable » par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette référence est censée pousser l’opinion publique et le monde politique à accepter chaque exigence des industriels, désireux de déployer de nouveaux systèmes et produits.


Cet argument, hélas, semble être extrêmement efficace, et sert à justifier tous les renoncements à une politique sanitaire et environnementale digne de ce nom. Mais que représente ce « socle acceptable » ?



Une norme basée sur des tests absurdes


Avant tout, signalons l’ancienneté de la norme de l’OMS : 22 ans ! Personne ne pourra prétendre que l’environnement électromagnétique et technologique n’a pas évolué depuis 1998. Or le minimum, pour une autorité sanitaire, serait de tenir compte de la santé des êtres humains dans leur environnement réel. Ensuite, s’il est vrai que les normes belges sont nettement en dessous de celle-ci, on ne peut ignorer que la norme internationale répond aux volontés de l’industrie, liée à son élaboration. Elle s’accorde à ses intérêts et ne tient nullement compte de l’interaction entre ces radiations et le corps humain.


Cette norme a été établie par la Commission internationale de protection contre les rayonnements non-ionisants (ICNIRP, pour l’acronyme généralement utilisé, avec les initiales anglaises), dont le fonctionnement est loin d’être exemplaire en termes d’indépendance. Le principal problème concerne les tests réalisés pour fixer ce seuil de 41,2 v/m, reconnu par l’OMS. Ils se sont déroulés de la manière suivante : « étaient ‘exposés’ les adultes en bonne santé, modélisés par un mannequin d’une composition homogène, supposé rendre compte de toute la complexité de notre corps. L'exposition a une durée de 30 minutes. A l'époque, les scientifiques connaissaient l'effet ‘cuisson’ des micro-ondes. Ils se sont donc demandés quelle était l’élévation de température qu’un adulte en bonne santé pouvait tolérer, avec des hautes fréquences, avant de subir un échauffement trop élevé des cellules. Ils ont considéré 1°C comme élévation de température tolérable et ils en ont sorti une puissance qu’ils ont utilisée comme base des normes sur lesquelles ils ont appliqué un ‘facteur de sécurité’. » (1)


Voici donc l’expérience grâce à laquelle, aujourd’hui encore, nous nous trouvons face à ce seuil de 41,2 v/m, toléré par l’OMS concernant les rayonnements de la téléphonie mobile. Ce seuil représente donc l’effet thermique des rayonnements, observé sur un mannequin inerte ! Bien entendu, les corps humains ne sont pas constitués de matières synthétiques et non-organiques. Notre corps est vivant, constitué de cellules liées à d’innombrables fonctionnements biologiques ; en outre, les êtres humains et leurs organismes sont en interaction avec l’environnement de vie. Paul Lannoye, physicien actif aujourd’hui au sein du Groupe de réflexion et d’action pour une politique écologique (GRAPPE), évoque ce seuil dans un texte intitulé « Les normes protègent l’industrie » : « A aucun moment n’est pris en considération par les experts de l’ICNIRP le fait que les êtres vivants, émetteurs-récepteurs d’ondes électromagnétiques, puissent être profondément perturbés dans leur fonctionnement intime et leur santé. Faut-il rappeler que le cerveau humain émet des signaux qui couvrent une gamme de fréquences allant de 0,5 à 30 hertz ? » (2) Ce n’est pas l’unique problème.



Le conflit d’intérêts est flagrant


Après l’OMS, les valeurs établies par l’ICNIRP ont été adoptées par l’Union européenne, malgré les réticences des élus. Paul Lannoye, à l’époque parlementaire européen pour le parti Ecolo, évoque cet épisode : « En 1998, confrontée au déploiement généralisé d’installations de téléphonie sans fil en Europe, la Commission européenne publie un projet de recommandation calqué sur les propositions de l’ICNIRP. Le Conseil des ministres de la Santé adopte en juillet 1999 ce projet tel quel (recommandation 1999/519/CE) malgré les critiques et amendements du Parlement européen. Celui-ci avait fait remarquer que le principe de précaution, pourtant inscrit dans le Traité européen, était totalement ignoré. » (3) Les couloirs du Parlement européen, comme ceux de l’ICNIRP ou de l’OMS, ne semblent pas uniquement arpentés par des individus désintéressés.


Car, en outre, ces tests absurdes se sont passés dans un contexte de manque d’indépendance manifeste des scientifiques concernés. Comme le précise encore Paul Lannoye, l’ICNIRP « est composée essentiellement d’experts issus des milieux industriels » et « contre toute évidence scientifique, continue à jouer le rôle que l’industrie et les milieux d’affaires attendent d’elle. Elle campe sur sa position de 1998, avec la caution de l’OMS. En 1999, il fallait déjà appliquer le principe de précaution qui, faut-il le rappeler, justifie des actions de politique publique dans les situations d’incertitude, pour éviter des menaces sérieuses pour la santé ou l’environnement. »


Constater ce conflit d’intérêts est extrêmement simple : leurs liens avec l’industrie, ces scientifiques ne les cachent même pas ! Dans une émission de France 3, Bernard Veyret, à l’époque du tournage membre de l’ICNIRP et très présent dans les médias pour nier les problèmes sanitaires des technologies sans fil, est placé face caméra devant la composition du conseil scientifique de l’opérateur Bouygues Télécom, où son nom apparaît. (4) Visiblement mal à l’aise, puisque l’ICNIRP prétend être composée d’« experts indépendants », il tente de défendre la compatibilité des deux postes. Dans sa justification, il va jusqu’à révéler un double rôle identique pour d’autres membres de ladite Commission. En outre ce monsieur signale, plus tôt dans l’émission, que sont menées dans les labos où il est filmé des recherches financées par les industriels du sans fil. Qui oserait affirmer l’absence de conflit d’intérêts au sein de cet organisme ? Qui oserait croire que ce genre de personnage va donner des conseils de prudence, contribuer à des normes de protection de la santé allant à l’encontre des intérêts des opérateurs de téléphonie mobile ?


Nous sommes donc exposés depuis des décennies à ces technologies, autorisées sur base de tests absurdes, la norme de l’OMS ne tenant aucunement compte des effets biologiques des rayonnements électromagnétiques sur le vivant, et donc sur la santé humaine. (5) Elle est pourtant en permanence utilisée pour justifier l’arrivée de nouveaux produits. Ce chiffre de 41,2 v/m permet aux industriels et à leurs relais dans la société civile de prétendre qu’une norme de 3 v/m, de 6 v/m ou même de 14,5 v/m, serait très « sévère ». Si elle l’est, c’est éventuellement pour les possibilités de développement de nouveaux produits, nullement pour une défense de la santé publique.



Une norme de compromis peu durable


Au milieu des années 2000, animée de préoccupations écologiques face à une nouvelle pollution environnementale, interpellée par des personnes en souffrance et préoccupée par le manque de norme sanitaire, la parlementaire bruxelloise Dominique Braeckman (Ecolo) va s’atteler à la tâche.


Au départ du processus, elle vise l’instauration du seuil recommandé par des scientifiques indépendants et des associations environnementales : 0,6 v/m. Son choix de cette limite sera légitimé, en 2011, par une résolution du Conseil de l’Europe, recommandant « de fixer un seuil de prévention pour les niveaux d’exposition à long terme aux micro-ondes en intérieur, conformément au principe de précaution, ne dépassant par 0,6 volt par mètre, et de le ramener à moyen terme à 0,2 volt par mètre. »(6) Après des débats ardus, elle obtiendra finalement l’instauration d’une norme de 3 v/m dans l’espace public, en 2007. A l’époque, ce seuil est également prôné par le Conseil Supérieur de la Santé, un organe d’avis fédéral.


Cette norme, établie donc au niveau régional bruxellois, sera attaquée par le fédéral, contestant la compétence de l’échelon régional à légiférer en cette matière. Deux ans plus tard, en 2009, la norme est confirmée par la Cour d’arbitrage. L’échelon régional est donc bel et bien compétent et, si des variantes existent entre les trois régions, le seuil de 3 v/m est présent comme repère partout ; en Wallonie et en Flandre comme seuil d’émission par antenne, à Bruxelles comme seuil limite mesurable à tout endroit de l’espace public. Si elle n’était pas suffisante pour protéger la santé publique, cette norme avait cependant le mérite d’avoir ouvert un débat politique - quasiment inexistant jusqu’alors - au sujet des effets sanitaires des technologies sans-fil.


Sous la pression des opérateurs, la norme « de protection » initiée par Ecolo sera revue quelques années plus tard, pour favoriser le passage de la 4G. En 2014, la norme monte alors à 6 v/m. (7) Ce changement met à mal le principe juridique de « Standstill » selon lequel, dans les matières sociales et environnementales, on ne peut reculer dans la protection des populations. Isabelle Hachez, juriste, expose que les juridictions ont là « inventé un concept original, que l’on appelle le principe de ‘Standstill’ ou l’effet cliquet des droits fondamentaux, grâce auquel elles contrôlent si les autorités ne font pas reculer de manière substantielle la garantie de ces droits par rapport à leur niveau antérieur sans justification suffisante tirée de l’intérêt général. » (8) Pour le législateur, dans le domaine des technologies sans fil, l’intérêt général semble donc se confondre avec celui des industriels, plutôt qu’avec un intérêt pour la santé publique.


Afin d’éviter ce reniement, les associations environnementales ont de suite alerté sur un nécessaire bétonnage de la norme, et sur le respect de ce principe juridique. Selon elles, céder et la changer une première fois ouvrirait la voie à de nouvelles pressions industrielles et commerciales. Force est de constater que leur crainte était totalement justifiée : dès le passage de la 4G, un lobbying intense a démarré pour nous imposer la 5G. Durant la législature précédente, entre 2014 et 2019, les fédérations d’entrepreneurs ont donc réclamé une nouvelle hausse du niveau de la norme, cette fois jusqu’à 14,5 v/m. La ministre de l’environnement en région bruxelloise, Céline Frémault (cdH), a donc travaillé à la préparation de l’instauration de ce nouveau changement. En fin de législature pourtant, elle semble changer de position et déclare qu’« aujourd’hui force est de constater qu’il est impensable pour moi de permettre l’arrivée de cette technologie si je ne peux assurer le respect des normes protégeant les citoyens. 5G ou pas. Les Bruxellois ne sont pas des souris de laboratoire dont je peux vendre la santé au prix du profit. On ne peut laisser planer de doute. » (9) Elle refilait ainsi la patate brûlante à son successeur.



Nouveau recul en vue ?


Pour l’instant, si officiellement une nouvelle augmentation du niveau de la norme n’est pas instaurée, il y a cependant de quoi être pessimiste. La déclaration de politique générale, adoptée par le gouvernement bruxellois en début de législature, évoque la 5G en ces termes : « Les nouveaux déploiements technologiques en matière de transmission des données (5G et autres) se feront dans le respect du principe de précaution et après évaluation sur le plan environnemental, de la santé publique, de l'efficacité économique, de la sécurité des données et de respect de la vie privée. » (10) Si le principe de précaution y est évoqué, on a pu voir dans le passé ce qu’il en est advenu... Par ailleurs, cette citation se trouve dans la sous-section « Une ambition ‘Smart City’ pour Bruxelles », et nous connaissons les volontés de placer Bruxelles en « pole position » des « Smart-Cities » en Europe, en imposant une série de nouvelles technologies dans les préoccupations urbanistiques.


A l’époque des déclarations de Céline Frémault, le ministre-président de la Région était, comme aujourd’hui, Rudi Vervoort. Au sein de son gouvernement qui, comme toujours à Bruxelles, regroupe de nombreux partis - avec des sensibilités parfois très différentes selon le régime linguistique -, le ministre responsable des normes d’exposition aux rayonnements électromagnétiques est aujourd’hui Alain Maron. Ce gouvernement va-t-il céder au discours qui affirme, encore et toujours, la prétendue sévérité extrême de la norme bruxelloise de Dominique Braeckman, déjà modifiée une fois ?


Si la norme se voyait à nouveau rehaussée, la responsabilité politique serait immense. Un minimum de courage politique se manifestera-t-il, pour casser la toute puissance des marchands et des industriels ? Allô ? Quelqu’un ?


Gérald Hanotiaux



(1) « Pollution électromagnétique : les impasses d'une reconnaissance. », Etude publiée par Inter-Environnement Bruxelles, novembre 2018. Disponible sur le site : www.ieb.be


(2) « Les normes protègent l’industrie », Paul Lannoye, Bruxelles en Mouvement n° 302, pages 14 à 16, Octobre-novembre 2019. Disponible sur : www.ieb.be/-bem-302-


(3) Idem.


(4) La scène est visible à la minute 52 de « Mauvaises ondes », reportage documentaire dans le cadre de l’émission « Hors Série » de France 3, réalisé par Sophie Le Gall. Reportage disponible sur internet.


(5) Lire à ce sujet « Pour favoriser la 5G, les autorités ignorent la situation sanitaire ».


(6) « Le danger potentiel des champs électromagnétiques et leur effet sur l’environnement », Conseil de l’Europe, Résolution 1815, 2011.


(7) Voir « Proposition d’ordonnance modifiant l’ordonnance du 1 mars 2007 relative à la protection de l’environnement contre les éventuels effets nocifs et nuisances provoqués par les radiations non ionisantes », Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 10 décembre 2013.


(8) « Le standstill, ou comment les juges ont permis de mieux protéger les droits fondamentaux en limitant les possibilités de recul », Isabelle Hachez, Justice en ligne, février 2016.


(9) « La 5G ? Les Bruxellois ne sont pas des souris de laboratoire », L’Echo, 29 mars 2019.


(10) « Déclaration de politique générale commune au Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et au Collège réuni de la Commission communautaire commune, Législature 2019-2024 », page 63.

 

 

Pour favoriser la 5G, les autorités ignorent la situation sanitaire


Le lendemain de la mise en service de la 5G en Belgique, dans le but de rassurer le ministre des télécommunications a lancé cette phrase, citée dans la presse : « Un GSM sur votre oreille a beaucoup plus d'impact que les pylônes 5G ». Réponse au ministre.


Après l’annonce par Proximus du lancement de la 5G en plein confinement, les réactions de la société civile et des élus locaux ne se sont pas fait attendre. Depuis des années, dans le monde entier, le déploiement de cette technologie fait en effet l’objet de polémiques et d’inquiétudes légitimes. Avant de répondre à l’argument de Philippe De Backer (Open VLD), ministre fédéral des télécommunications, il nous faut passer par une brève description de l’installation du problème de santé public sévissant depuis le début des années nonante.


Face à la pollution électromagnétique, nous entendons encore souvent que « s’il y avait un problème, ça se saurait ! » Justement, pour qui décide de s’y intéresser réellement, ça se sait, depuis longtemps et largement.



Une autre crise sanitaire, à bas bruit


Depuis la mi-mars les journaux d’information tournaient, en boucle, autour d’un sujet unique : la crise sanitaire de ce printemps, accompagnée de mesures drastiques de confinement de la population. Si, installé dans notre logement, un sujet différent se faisait subitement connaître à notre oreille - le lancement de la 5G -, pas de chance, il restait logé dans la catégorie des problèmes sanitaires. Face aux technologies sans-fil, en déploiement depuis déjà des décennies, les gens ne meurent pas en quelques jours ou semaines, les cercueils ne débordent pas des morgues, et les chambres froides ne sont pas réquisitionnées… Heureusement.


Cependant, dans une indifférence relativement généralisée des autorités sanitaires de ce pays, le nombre de personnes dont le quotidien est perturbé par les rayonnements électromagnétiques s’accroît. Rappelons que, mêmes confinées chez elles, les personnes « électrosensibles » ressentent les effets des rayonnements électromagnétiques qui traversent les murs. Depuis l’arrivée des technologies sans-fil, partout dans le monde des gens développent les mêmes symptômes, au contact des mêmes machines… Se sont-elles concertées pour inventer des problèmes de santé ? Soit le ministre De Backer nie la réalité de ces personnes, et c’est grave, soit il ignore celle-ci, et il nous faut alors parler d’incompétence. (Lire à ce sujet l’encadré « Appel à témoignages »)


Dans le journal radio de 13h du premier avril, Jacques Vanderstraeten, médecin et collaborateur à l’école de santé publique de l’ULB, déclare : « Les données récentes mettent en lumière les risques pour la santé des 2, 3 et 4G, et si risque il y a pour ces générations-là, ils seraient en principe majorés pour les hautes fréquences de la 5G. » (1) Malgré ces propos de l’un des experts nommés au Conseil supérieur de la santé, le journaliste - où donc était confinée la sacro-sainte neutralité brandie habituellement ? - termine par : « Reste que pratiquement aucune étude sérieuse ne prouve un risque pour la santé. »


Avant la 5G les journalistes terminaient souvent par « aucune étude », aujourd’hui, tout de même, ils terminent par ce type de formule alambiquée : « pratiquement aucune ». Que voulait-il dire exactement ? Faudrait-il, absolument, rassurer encore une fois les auditeurs ? Envers et contre tout ? Non seulement les études sont innombrables, mais même s’il n’y en avait qu’une, le rôle des autorités sanitaires serait de s’en emparer, sérieusement. Or, dès que l’actualité nous confronte à ce problème sanitaire, lié à un produit vendu à des millions d’exemplaires dans notre pays, invariablement des messages « rassurants » apparaissent tous azimuts...


La norme sanitaire à laquelle se réfèrent les autorités, pour autoriser le déploiement de chaque nouvelle génération de téléphonie mobile, repose uniquement sur les effets thermiques des micro-ondes. (2) Rendre compte des études sur les effets non-thermiques - les effets biologiques - pourrait remplir l’entièreté des numéros d’un siècle de notre quadrimestriel, même (et surtout) en évacuant les études émanant des industriels. Des résumés existent cependant, pour commencer à s’informer. (Voir l’encadré « Deux portes d’entrées vers les effets biologiques du sans-fil ») En parallèle à ces lectures, il est nécessaire de rappeler quelques faits historiques.



Les effets biologiques sont connus


Continuer à prétendre l’inexistence d’effets de ces rayonnements sur le vivant est une ineptie, et ce depuis longtemps. Les méfaits sanitaires des champs électromagnétiques sont en réalité observés depuis les années soixante. Des décennies avant la mise en circulation de la téléphonie mobile, les radars militaires utilisaient déjà des ondes électromagnétiques semblables. Depuis très longtemps, des témoignages informent des ressentis biologiques - notamment de l’échauffement - à proximité de ces engins. Le professeur Martin Blank, de l’Université de Columbia, rappelle que dès 1971, la Marine des Etats-Unis d’Amérique a voulu comprendre scientifiquement le phénomène. « Elle confia donc la tâche de répertorier les études scientifiques sur les effets biologiques de l’exposition aux radio-fréquences à Zory Glaser, un jeune docteur travaillant au Naval Medical Research Institute. » (3) Plus de 3.000 études détaillant les effets biologiques des ondes électromagnétiques sont alors répertoriées.


Ces dernières démontrent par exemple, à l’époque déjà, des effets sur la fertilité humaine. Elle reprennent également les résultats d’expériences militaires soviétiques, « tellement intéressés par les effets sur la santé des rayonnements de micro-ondes qu’ils en ont fait des armes ». Ils ont « bombardé » d’ondes l’ambassade des Etats-Unis à Moscou, et ce dès les années cinquante, jusqu’aux années quatre-vingts, « en même temps qu’ils poursuivaient un programme de recherche très actif sur les effets chroniques à faible niveau ». Ces expériences ont conduit à « des problèmes de santé inexplicables parmi le personnel de l’Ambassade ». Parmi ceux-ci, plusieurs morts suspectes suite à des leucémies. « Pourtant, de tels résultats dans une multitude d’études n’ont pas déclenché de sonnette d’alarme dans la population, ce qui est compréhensible vu que bien des gens ne possédaient pas encore les appareils qui produisaient des rayonnements de haute fréquence et de micro-ondes, comme les téléphones cellulaires et sans-fil, les réseaux wi-fi et les fours à micro-ondes qui sont omniprésents aujourd’hui ». (4) Face à ces observations inquiétantes dans les milieux militaires, que va-t-il se passer ? Sous l'impulsion d’industriels flairant des bénéfices colossaux à réaliser grâce aux technologies sans-fil, nos sociétés vont... généraliser l’exposition à ce type de rayonnements à l’ensemble de la société.


Ces effets, connus donc depuis longtemps, ne sont évidemment pas absents des réunions industrielles lors du lancement des technologies sans-fil dans le civil. Dans le reportage « Mauvaises ondes », diffusé par France 3, la journaliste Sophie Le Gall mène un remarquable travail d'investigation. Etienne Cendrier, président de l'association française « Robin des Toits » (5), y exhibe le compte-rendu d'une réunion stratégique tenue le 14 octobre 1994 par les industriels, réunis au sein de la Fédération des industries électriques et électroniques (FIEE). On y constate que ces derniers anticipent les problèmes futurs de santé publique, avant même l'explosion du marché du téléphone portable. Le but du jeu est alors de lancer la technologie, réaliser les profits faramineux projetés, tout en évitant les alertes sur le plan sanitaire. Extrait du compte-rendu, avec l'en-tête « FIEE. Direction des affaires techniques et normalisation (AP/MJL 4649/94), sous le titre 'memorandum' » : « aux rumeurs, dommageables sur le plan commercial, doit être opposée une information destinée à sensibiliser le consommateur et montrer que ces rayonnements électromagnétiques (REM) n'ont pas d'effets nocifs ».


La désinformation démarre et les actions « ne doivent pas se limiter au plan technique mais doivent intégrer une dimension politique, à l'adresse des hommes politiques et des journalistes. Il faut veiller à ce que le discours tenu par tous soit le même ». La journaliste rencontre l'un des scientifiques ayant participé à cette réunion stratégique, dont une phrase a retenu l'attention au sein du compte-rendu de la FIEE : « le cancer est une affection multi-facteurs, il est impossible d'isoler le seul effet des REM ». Ce monsieur refuse de parler pour le reportage, mais les journalistes l’enregistrent et le filment malgré tout (le visage est flouté). Il révèle la tenue d'une vingtaine de réunions de ce type, durant trois ans, rassemblant des scientifiques et des industriels, et évoque l'allié bien connu, le temps : « le marché a été plus vite que la recherche. La recherche c'est long. Quand vous mettez une recherche en marche, vous en avez pour trois ans. En trois ans, le téléphone portable a été multiplié par dix ». (6)


Le facteur temps est en effet prépondérant dans cette crise sanitaire à bas bruit, car cette pollution électromagnétique se couple à d’autres, les pathologies sont « multi-factorielles », comme le disait le scientifique cité plus haut. Par exemple, nous sommes également forcés de constater les dégâts de divers produits chimiques, disséminés dans l’environnement ou carrément intégrés à la chaîne alimentaire. En outre, les effets de la pollution électromagnétique peuvent attaquer des organismes affaiblis par d’autres pathologies. Nous sommes face au facteur temps, également, lorsque des médecins confrontés aux études sanitaires réclament le couplage des données à des études épidémiologiques (7). Il faudrait par là démontrer les augmentations de pathologies, en parallèle avec les périodes de lancement des produits. Installés massivement dans nos environnements et nos vies, il est alors trop tard ! Pourtant, selon Paul Lannoye, physicien et ex-parlementaire écologiste européen, aujourd’hui « les connaissances relatives aux risques de la pollution électromagnétique se sont largement enrichies. Les études épidémiologiques, les études in-vitro et in vivo se comptent par milliers et forment un corpus scientifique sur lequel le législateur peut s’appuyer. » (8) (Lire l’encadré pour des liens vers ces études)


Le principe de précaution, précisément utile pour éviter de foncer droit dans le mur sanitaire, est aujourd’hui totalement ignoré par nos autorités ; il le sera d’autant plus si on laisse se déployer la 5G.



Le brouillage de données de Philippe De Backer


Ces préliminaires établis, répondons à présent plus précisément aux propos du ministre fédéral des télécommunications, Philippe De Backer. En espérant sans doute rassurer, il a donc prononcé le 2 avril cette phrase - ici complète - en réponse à une question du député Josy Arens (cdH) : « Le gsm qui est contre votre oreille a beaucoup plus d'impact sur les micro-ondes que vous recevez que les pylônes impliqués dans la 5G  ». (9)


Comme pour les « normes sévères » de rayonnements électromagnétiques (10), il est également fondamental de déconstruire ce type de propos. Hélas, nous ne pouvons que constater un impact certain de cet argument auprès de la population, asséné durant chaque alerte sanitaire sur la dangerosité des technologies sans-fil. Cela fonctionne, notamment, car le sujet est loin d’être simple, et le ministre lance ici un slogan simpliste. Par ailleurs, il permet aux individus de « rester sereins », il n’est en effet joyeux pour personne de réaliser la dangerosité de ses actes quotidiens, tant pour soi-même que pour autrui.


En soi, la phrase du ministre énonce une vérité, mais il s’agit précisément de l’un des aspects du problème sanitaire posé par les technologies sans-fil : l’impact du téléphone portable utilisé contre l’oreille ! Dans cette situation, cet engin occasionne une exposition importante au niveau de la tête, d’intensité variable selon le modèle et les conditions de réception de l’appareil. Dans le cas, par exemple, d’un appel effectué depuis un sous-sol ou dans un véhicule en mouvement, le téléphone émet de manière plus intense pour établir et maintenir la communication avec l’antenne la plus proche, ou, dans le cas d’un appel en déplacement, avec les antennes successives.


En juillet 2019, l’agence nationale de santé publique française a publié les estimations nationales de l’incidence et de la mortalité par cancer. Elle identifie, entre 1990 et 2018, une multiplication par quatre du nombre annuel de nouveaux cas de glioblastomes, des tumeurs très agressives du cerveau. L’analyse des tendances montre une augmentation quels que soient l’âge et le sexe. Même si cette augmentation est probablement multifactorielle, l’agence signale que « les dernières études épidémiologiques et les expérimentations animales seraient en faveur du rôle carcinogène des expositions aux champs électromagnétiques » (11). Rappelons que la période retenue dans cette communication représente les vingt-huit premières années d’installation de la téléphonie mobile dans nos environnements de vie.


Ces chiffres devraient inciter nos dirigeants, dont le ministre De Backer, à recommander la plus grande prudence pour l’utilisation d’un appareil source de champs électromagnétiques qui, pour reprendre ses termes, a un fort impact lorsqu’il « est collé sur l’oreille ». Il aurait été opportun qu’il saisisse cette occasion pour rappeler les conseils de prudence élémentaires, spécifiés depuis une dizaine d’années déjà dans une brochure publiée par le Service public fédéral Santé publique : privilégier les appels avec ligne fixe, garder l’appel avec un téléphone portable en priorité pour l’extérieur, pour des conversations de courte durée, éviter les appels en mouvement ou dans les lieux avec une faible réception, éloigner l’appareil du corps en faisant usage du mode haut-parleur ou d’oreillettes filaires, etc. (12) Quelqu’un peut-il nier que ces recommandations sont très loin d’être respectées par nos contemporains ? Le ministre ignore-t-il ces recommandations ministérielles fédérales ?


Ce n’est pas le seul élément inepte de la communication du ministre ! Si le téléphone portable collé à l’oreille occasionne une forte exposition pour l’utilisateur (et les personnes dans son environnement proche), cette exposition concerne « uniquement » la durée de la conversation téléphonique. Les émetteurs placés dans l’espace public, évoqués par le ministre dans sa comparaison, nous exposent eux de manière prolongée dans le temps. En outre, les personnes n’ont pas le choix, celles qui n’utilisent pas de téléphone portable sont exposées également, et celles qui, aujourd’hui déjà, souffrent des rayonnements électromagnétiques, vont devoir subir cette source supplémentaire. Contrairement au téléphone, l’exposition des antennes est donc imposée, sans consentement ni moyen de s’y soustraire. En bref, comparer l’impact des pylônes 5G à un téléphone portable collé sur l’oreille revient à comparer des pommes et des poires.


Pour conclure, effectuons un parallèle avec un autre fléau sanitaire : le tabagisme. Dans cette perspective, nous imposer la 5G équivaut à placer toute la population, fumeurs ET non-fumeurs (y compris les jeunes enfants, les femmes enceintes, les asthmatiques, etc.) dans des lieux de vie où des milliers de fumeurs invétérés projetteraient leurs fumées sans interruption.


Avec les 2G-3G-4G, nous sommes déjà tous exposés depuis des années. Avec la 5G, une couche supplémentaire s’ajoutera, possiblement beaucoup plus toxique encore. Le slogan du ministre ne dit donc rien sur la dangerosité du téléphone, et a fortiori encore moins sur la dangerosité de la 5G. Absolument rien, dans ses propos, ne nous permet d’être rassurés.


Gérald Hanotiaux



(1) Journal radio, La Première, RTBF, 1 avril 2020.


(2) Lire « Rayonnements électromagnétiques : aucune norme sanitaire n’existe ».


(3) « Ces ondes qui nous entourent. Ce que la science nous dit sur les dangers des rayonnements électromagnétiques », Martin Blank, Ed. Ecosociété, Montréal, 2016, p.120-122.


(4) Idem


(5) www.robindestoits.org


(6) La scène est visible dès la minute 9 de « Mauvaises ondes », reportage documentaire dans le cadre de l’émission « Hors Série » de France 3, réalisé par Sophie Le Gall. Reportage disponible sur internet.


(7) L’épidémiologie est la science qui étudie, au sein de populations (humaines, animales, voire végétales), la fréquence et la répartition des problèmes de santé dans le temps et dans l'espace, ainsi que le rôle des facteurs qui les déterminent.


(8) « Les normes protègent l’industrie », Bruxelles en Mouvement n°302, pages 14 à 16, Octobre-novembre 2019. Disponible sur : www.ieb.be/-bem-302-


(9) « Compte-rendu intégral », séance plénière du 2 avril 2020, Chambre des représentants, page 23.


(10) Lire « Rayonnements électromagnétiques : aucune norme sanitaire n’existe ».


(11) « Estimations nationales de l’incidence et de la mortalité par cancer en France métropolitaine entre 1990 et 2018. Volume 1 », Agence nationale de santé publique française, juillet 2019.

Disponible à partir du site :

https://www.santepubliquefrance.fr


(12) Signalons l’aspect « minimaliste » du contenu de cette brochure, elle ne dit en effet rien du vécu des personnes électrosensibles. « Téléphones mobiles et santé. Normes, faits scientifiques et conseils pour une utilisation raisonnable. », SPF Santé publique, 2010.

https://www.health.belgium.be/fr/telephones-mobiles-et-sante








Deux portes d’entrées vers les connaissances des effets biologiques du « sans-fil »


1/ Le lecteur désireux de se renseigner peut démarrer par l’ouvrage « Ces ondes qui nous entourent. Ce que la science nous dit sur les dangers des rayonnements électromagnétiques ». L’auteur, professeur à l’université de Columbia, y fait le point sur les savoirs scientifiques au sujet des effets des technologies sans-fil sur le vivant : le corps humain bien sûr, mais aussi les plantes et les animaux, surtout les oiseaux et les abeilles. L’ouvrage voile également les conflits d’intérêts à l’œuvre pour ne pas remettre le déploiement technologique en question, et les actes des « semeurs de doute », les scientifiques engagés dans la négation de ces effets sur la santé.


>>> « Ces ondes qui nous entourent. Ce que la science nous dit sur les dangers des rayonnements électromagnétiques », de Martin Blank (Ed. Ecosociété, Montréal, 2016).


2/ Une seconde source réside sur Internet, à l’initiative d’« Ondes.brussels », lancée en mars 2018. Est notamment disponible un contre-rapport argumenté et richement documenté, en réponse au « Comité d'experts sur les radiations non ionisantes », un Comité chargé d’évaluer la mise en œuvre du déploiement des technologies sans-fil en Région bruxelloise. Les rapports des études scientifiques ne sont pas toujours très abordables pour le commun des mortels, l’apport principal d’Ondes.brussels est donc de fournir une contre-information scientifique sérieuse, dans une présentation accessible.


L’en-tête du rapport commente une célèbre citation d’Arthur Schopenhauer : « Toute vérité franchit trois étapes. D'abord elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant toujours été une évidence.’ Ce fut le cas pour le tabac, pour l’amiante. Ainsi en sera-t-il tôt ou tard pour le sujet de ce dossier. Le plus tôt sera le mieux. »


>>> « Analyse citoyenne des rapports 2016 et 2018 du Comité d'experts sur les radiations non ionisantes. Une évaluation de l’aspect sanitaire des champs et rayonnements électromagnétiques sous l’angle scientifique et citoyen », Bruxelles, Mars 2018. www.ondes.brussels


Bonus : Pourquoi donc ne tient-on nullement compte, en Belgique, des alertes des professionnels du monde médical et paramédical, confrontés directement aux situations décrites par leurs patients ?Nous conseillons au lecteur de se reporter à l’appel des professionnels belges de la santé, signé notamment par plus de 330 médecins de notre pays. Le site présente également un avis récent du Conseil supérieur de la santé.

>>> www.hippocrates-electrosmog-appeal.be


Appel à témoignages :


Etude sur « L’exclusion par la pollution électromagnétique ».


Certaines personnes souffrent des rayonnements électromagnétiques de haute fréquence, placés dans nos environnements de vie, dans les entreprises et sur les lieux de travail. Il leur a parfois fallu interrompre leur vie professionnelle, ou la poursuivre avec une qualité de vie et de santé extrêmement dégradées. Face à cette situation, les parcours dans les méandres des soins de santé sont parfois semés d’embûches, liées à une reconnaissance faible de cette réalité de l’électrosensibilité, pourtant largement documentée.


L’Organisation mondiale de la santé, en 2006, décrivait de cette manière les symptômes de ce « syndrome des micro-ondes » : « La sensibilité vis-à-vis des champs électromagnétiques a reçu la dénomination générale : “Hyper Sensibilité Electromagnétique” ou EHS. Elle comprend des symptômes exprimés par le système nerveux comme les maux de tête, la fatigue, le stress, les troubles du sommeil, des symptômes cutanés comme des picotements, des sensations de brûlure, des démangeaisons, des douleurs et des crampes musculaires ainsi que beaucoup d’autres problèmes de santé. Quelles que soient les causes, la sensibilité électromagnétique est un problème invalidant pour les personnes qui en sont affectées, alors que le niveau de champs électromagnétiques dans leur environnement n’est habituellement pas plus élevé que celui rencontré dans le cadre de vie normal. » (*)


Si elle a le mérite de mettre noir sur blanc les principaux symptômes vécus, cette définition a cependant ses limites. Les derniers mots sont importants car le « cadre de vie normal », avant 1990, n’était traversé par aucun des rayonnements électromagnétiques nécessaires pour la téléphonie mobile ! Au moment de sa publication par l’OMS, le cadre de vie était traversé par la 2G et la 3G. Aujourd’hui, la 4G s’est ajoutée, et l’imposition de la 5G a démarré. Jusqu’où allons-nous augmenter les émissions ? Combien de temps allons-nous rendre les gens malades ? Combien de temps va-t-on modifier radicalement ce qu’est un « cadre de vie normal » ?


En Suède, l’électrosensibilité est reconnue comme handicap, ce qui est « pratique » pour continuer le développement des sources des maux, tout en évitant toutefois un ostracisme total des victimes du sans-fil. Dans d’autres pays européens (Allemagne, Autriche, France,…) des décisions de justice vont dans le sens d’une reconnaissance. En Belgique, toujours rien.


Nous recherchons des personnes prêtes à témoigner de leur situation. De leur santé en général, au contact de ces technologies, et plus particulièrement de leurs difficultés à continuer à assumer leur vie professionnelle. Le but est d’avancer dans la reconnaissance de la situation sanitaire.


Si vous - ou l’un ou l’une de vos proches - vous reconnaissez dans la brève introduction ci-dessus, prenez contact avec nous. Le recueil du témoignage pourra se faire de vive voix, par échanges de mails, ou encore par téléphone (fixe).


Bien entendu, un total anonymat est assuré.


Le Collectif Solidarité Contre l’Exclusion (CSCE-ASBL)

Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir. (à privilégier en cas de confinement prolongé)

02/535.93.53 / 02/534.47.42


* Electromagnetic Hypersensitivity, Proceedings International Workshop on EMF Hypersensitivity, Prague, Czech Republic, October 25-27, 2004. Editors Kjell Hansson Mild, Mike Repacholi, Emilie van Deventer, Paolo Ravazzani World Health Organization 2006.